Nabeul est la capitale de la poterie, à côté de Djerba et Moknine. Le rapport entre le Cap Bon et la poterie remontait à l’antiquité. Déjà à l’époque romaine on fabriquait à Néapolis des poteries aux lignes très pures : l’amphora dans laquelle se conservait les réserves d’huile, l’urna au corps largement arrondi, au col étroit, qui servait à rapporter l’eau de la fontaine. De nombreux ateliers à l’époque romaine fabriquaient des poteries aux lignes pures exportées dans toute l’Ifrikya sur des felouques cabotant le long des côtes de la méditerranée. De ces ateliers ne reste plus de traces, mais les fouilles ont mis à jour plusieurs tessons dans les régions de Nabeul, Sionville, Dar Châabane et Henchir Chôkaf ;
C’est à la fin du XVIs. que la poterie redevient une industrie fructueuse et accrue et l’art du feu est remis à l’honneur à Nabeul par des potiers venus de Djerba.
Attirés par l’excellente argile tirée des carrières anciennes, quelques familles ont émigré de Djerba. Jusqu’à une date récente, vers 1950, le quartier des potiers, dit guelta, lagune, est dit aussi ejjraybia, les djerbiens, et l’atelier dar jraba ou qallalal, en relation avec les autres potiers venus de Tunis. Encore un quartier dans la Médina de Nabeul s’appelle le quartier des Djerbiens.
Le quartier des potiers était installé, en petite cité artisanale à la sortie de Nabeul sur la route de Korba, actuellement transféré à côté de la zone industrielle à l’entrée de Nabeul sur la route venant de Tunis. Toutefois deux ateliers continuent à faire tourner leurs tours en face du marché central de Nabeul sur l’emplacement de l’ancienne guelta.
Les potiers tournaient à l’origine une poterie analogue à celle que les Djerbiens exécutaient à Guellala dans l’île de Djerba, une poterie en biscuit, dite Chawaât, Les modèles qu’ils façonnaient étaient tous utilitaires : jarres, plats, vases, marmites, gargoulettes, « plomb » pour filets de pêche…
Au début du XVII s. L’usage des vernis plombifères s’introduit à Nabeul, importés par les artisans andalous chassés d’Espagne lors de la reconquista. Parmi eux vivait à Tunis, un homme à la réputation de sainteté, Sidi Qacim al-Jalizi qui aurait été fabriquant de carreaux vernissés, les azulojos d’Espagne, d’où le nom zliz, donné aux carreaux de faïence.
La technique de vernis plombifère et le rustique décor, brun et vert sur fond jaune conservés intact à nos jours, date du XVII s. quelques années après l’arrivée des Djerbiens. Après Qallalin, les poteries dites de Nabeul, qui a commencé à s’étioler pendant les années quatre-vingt, est remplacée par d’autres couleurs qui attirent plus les touristes. Grâce aux efforts de la Délégation Régionale de l’Artisanat la poterie de Nabeul et même de Qallalin regagne le marché de nouveau et maintenant des œuvres d’arts commencent à réapparaître sur le marché.
La famille Kharraz, l’une des plus anciennes familles de potiers de Nabeul sont les descendants de ces émigrés espagnols. Leur nom semble dériver de « alcarrazaz » appellation commune de la gargoulette utilisée dans toute l’Espagne pour transporter et rafraîchir l’eau potable, exactement comme le dawraq nabli (gargoulette de Nabeul).
La poterie de Nabeul est une faïence commune obtenue par cuisson entre 800 et 950° des argiles naturelles de la région.
Les formes sont celles des poteries traditionnelles, elles reproduisent certaines poteries de Djerba, ou s’inspirent de poterie persane, voire même de poterie puniques. Les poteries artistiques puisent leur inspiration un peu partout avec des décors très rustiques. Ces décors utilisent des vernis et émaux, dont les formules et compositions s’apparente beaucoup à ceux des faïences de la première époque italiennes ou françaises du XVs.
Pour arriver à fabriquer une pièce de poterie, le potier de Nabeul passe par plusieurs étapes : l’extraction de l’argile d’une immense mine à l’entrée de Nabeul, le fameux ghar ettfal, la caverne de l’argile, la terre est livrée par grosse motte humides. L’argile peut être gras pou maigre. Alors commence dans l’atelier la préparation de l’argile avec ses étapes de triage et séchage, concassage, délayage, tamisage, raffermissement, malaxage et enfin le pourrissage quand l’argile est laissé malaxée au contact de l’air pendant plusieurs mois pour qu’il s’y produise une certaine fermentation.
Après de nouveau malaxage et pétrissage, commence le tournage. Le tour très rustique est semblable à celui dont se servaient les égyptiens 2000 à 3000 ans avant J.-C. Aujourd’hui le tour est électrique, mais les gestes du potier demeurent les mêmes.
Le potier commence au façonnage avec ses gestes habiles, puis il passe au « tournassage » pour donner à l’ébauche sa forme définitive se terminant par l’ansevage et puis le séchage.
Suivent la décoration et l’application des vernies après un premier cuissage. Généralement les motifs sont sommaires et les couleurs monotones.
C’est à la fin du XIX s. que la poterie artistique et la faïence vont atteindre leur âge d’or.