Témoingnages
Mon Cap Bon
Chaque année, depuis longtemps déjà, je consacre plusieurs jours à parcourir le Cap Bon. Au début, c’est toujours la même histoire : la nonchalance guide mes pas. Le Cap Bon paraît si près de tout, de Tunis et de l’endroit où je demeure comme au cœur de la Méditerranée et des plages où il fait bon s’arrêter entre deux visites, qu’il offre la promesse d’un beau voyage avec l’avantage de ne pas imposer de longues heures de route. Mais à chaque fois aussi, ce scénario tranquille m’échappe rapidement pour me laisser solitaire devant un vaste royaume de songes, de légendes et de souvenirs que je n’ai pas connus jusqu’alors mais dont j’ai le sentiment qu’ils sont faits pour moi, comme s’il s’agissait d’un monde différent ou secret où vivait depuis toujours une part inconnue de moi-même. Et finalement, lorsque je m’en reviens à la maison, je me sens comme Robinson Crusoë lorsqu’il retrouve sa terre natale, détache des préoccupations des autres, désorenté à l’idée de devoir à nouveau les partager, avec le regret de ne plus être dans mon île et la certitude d’y retourner un jour. Car le Cap Bon est une île, et puisqu’il s’agit d’une terre close, il semble bien que le Créateur ait voulu qu’elle ne manquât de rien : la diversité du Cap Bon est un perpétuel motif d’émerveillement pour le voyageur qui s’enfonce dans ses chemins. Plaine fertile de Soliman, rives escarpées d’Ain Okot et de Korbous avec leurs sources chaudes dont les courants ressurgissent jusque dans la mer, djebels où s’endorment les derniers soubressauts du grand Atlas, ports de Sidi Daoud et d’El Haouaria où se profile l’ombre massive et majestueuse de Zembra – symbole même de l’idée qu’on se fait d’une île et telle que la dessinerait un enfant si on lui demandait d’en fournir une image compréhensible pour tout le monde- cavernes où rugissent les embruns et Ras Addar où tempêtent des vents furieux, belle orêt profonde de Dar Chicou où vivent enfin tranquilles les bêtes sauvages des mosaîques antiques, village antiques de l’intérieur accrochés à leurs côteaux et où aucune pollution moderne n’est venue déparer l’architecture et les sites, oliveraies et jardins de légumes, barrages et canaux, pistes et chemins de bocages, parfois c’est luxuriant et parfois aussi, un peu plus loin, infiniment austère = le centre est une autre île à l’intérieur de l’île et aucun de ses rares visiteurs n’oublie la fascination de mise en abîme qu’il exerce : profusion de la mer et des plages à Kélibia, des vergers et des maraîchages de Menzel Témime et de Korba, Nabeul comme une de ces petities capitales
cosmopolites qui sont l’honneur de la Méditerranée des humanistes, Hammamet et sa beauté de star menacée par l’ardeur de ses trop nombreux admirateurs, et puis pour accueillir ou dire adieu à l’étranger, ces vignes de Grombalia qui dansent à l’horizon elles les vagues d’une marée d’or. Après plus de dix années de promenades j’ai toujours l’impression de ne rien savoir de lui. Ainsi par exemple, il faut se méfier des distances ce qui paraît court sur la carte doit en fait se mesurer en siècle au passé et pour qui aime à regarder, les occasions de s’arrêter sont aussi nombreuses que les appels à poursuivre sa route. C’est près de Bou Argoub que les armées de Scipion et d’Hannibal se sont affrontées avant d’aller régler provisoirement le sort du monde, bien plus loin et comme emportés par leur course folle, du côté de Zama ; c’est à chaque point d’eau et à chaque port de pêche que les Puniques, les Grecs et les Romains ont construit des villes prospères où l’on marchandait et expédiait au-delà des mers les magnifiques récoles des grandes villas où battit jusque très tard le coeur d’une civilisation antique, agreste et harmonieuse ; c’est dans les replis des collines et du Djebel que se sont réfugiées des tribus encore plus anciennes que l’histoire, rejointes au hasard des invasions par des bédouins, des conquérants arabes, des familles berbères, des Hilaliens perdus et des ermites fous de Dieu ; c’est vers l’ouest et les chemins de la grande ville, vers le nord et l’île à demi-musulmane où régnait l’empereur Frédéric et son idéal de communauté diverse, tolérante et fraternelle, vers l’est et le sud où la mer et l’Orient entraînaient les pêcheurs, les marchands et les aventuriers, que s’épanouirent génération après générations les valeurs les plus aimables et les plus attachantes de la civilisation arabe au quotidien. Et puis c’est au Cap Bon encore que revinrent ces étragers bienveillants, amicaux et raffinés tels
Sébastian et le comte Hanson pour y inventer un nouvel art de vivre dans des maisons admirables, tandis qu’un peu plus loin, d’autres étrangers brutaux, hostiles et sans vergogne se cramponnaient sinistrement à l’une des pages parmi les plus sanglantes de l’oppression coloniale. Ici le bien et là le mal : il y a eu de l’enfer dans ce paradis, mais ne comptez par sur les habitants du Cap Bon pour vous le rappeler : ils prennent la vie sur cette terre pour un bienfait et le pardon des offenses leur est naturel.
Frédéric MITTERRAND
In Guide Cap Bon Familier
15 avril 1975 Hammamet
J’ai plaisir à écrire ces phrases sur la justification nouvelle et en quelque sorte rafraîchie de mon métier dans un lieu où l’on ne se préoccupe que de direction des vents, du nom des oiseaux et des plantes, où l’on s’émerveille que les hirondelles qui piquent du nez dans les mares viennes d’Australie, où l’on se demande quand un cri nous réveille la nuit si c’est le paon mâle qui s’affirme ou le perroquet qui l’imite à la perfection. Dans un lieu où la chanson a sa vraie place, celle de la grande poésie populaire et où la jeunesse voue au corps le culte qu’il mérite. Dans une villa, la villa Henson. Où les fondateurs, les défricheurs, ceux qui ont amené l’eau et la vie se sont fait enterrer, se mêlant ainsi à toutes ces racines, ces arbres et ces fleurs dont ils ont été le commencement et qui sont leur fin – autrement dit, dans un lieu où règne l’authentique-, la découverte, c’ent que cet univers même est menacé. C’est que plus rien n’est à l’abri de rien. C’est que la notion même d’abri n’a plus de sens. Nous voici nus et contraintes de regarder en face le soleil et la mort. Nous ne pouvons plus fuir dans la comédie du discours et l’utopie du projet. C’est le sort de nos générations. En cette année 1975, je veux grâce aux voyages éviter d’écrire un article comme on poinçonne un ticket de métro.
Jean Daniel
Directeur du Nouvel Observateur
Cinq jours à Hammamet
Cinq jours … cinquante ans… – La qualité et la force du charme de cette maison et de ce jardin, la violence avec laquelle ils agissent et pèsent sur moi sont exprimables sous une forme quasiment mathématique. Je suis resté cinq jours et cinq nuits sous ce toit, sous ces arbres. Or ce toit, ces arbres portaient en eux cinquante années de vie humaine…
Cinq jours, cinquante ans. Cette disproportion rend compte de la masse écrasante, de la toute-puissante séduction dont je sens l’effet mélancolique depuis mon arrivée. Car ils sont là, ces cinquante ans, ces deux mille semaines, ces dix-huit mille jours, visibles comme les cercles concentriques qui disent l’âge d’un arbre abattu. Mais l’arbre Jean Henson n’est pas abattu. Il est debout et vivant. Sans lui tout ici ne serait que vestige, archéologie, musée, d’une touchante mais inoffensive beauté, désamorcée par la mort. Avec Jean cette fabuleuse collection de pierres, sculptures, dessins tableaux, coquillages, plumes, gemmes, bois, ivoires, livres, fleurs, oiseaux, grimoires… tout cela vit, palpite et m’embrase. Chaque chose me dit qu’elle a eu son jour, son heure, qu’elle fut alors introduite, admise, glorieusement incorporée à l’îlot Henson – et ainsi je deviens sensible à l’épaisseur formidable de cette durée qui m’attire dans un vertige, comme la profondeur bleutée d’un glacier. Et Jean rège sur ce domaine, lente émanation de deux vies mêlées un demi-siècle.
Jean Henson, vieil homme admirable de générosité et de force, parvenue à l’achèvement d’une vie qui fut parfaite, dieu silène qui s’avance sous les pampres de son verges soutenue par deux fidèles, César déchu par la mort de Violett, exilé sur ces rivages africains qui va chaque soir d’un par chancelant fleurir
la tombe de celle qui fut l’âme de ces lieux…
Michel Tournier
Hammamet, 22 – 27 juillet 1973
Les légendes et les saints
Mais dans la province du Cap Bon, dans cette terre bénie où du sillon s’élève un parfum de chair, d’autre légendes entourent la découverte des sources chaudes et salutaires.
Laissez-moi étudier cette immense harmonie, cette correspondance divine entre les hommes et la Terre et le Ciel. Laissez-moi fixer la minute heureuse de la splendide révélation : la révélation des bienfaits secrets de la nature devant lesquels l’homme doit S’incliner, se recueillir et prier.
Mon héroïne est une jeune fille, une jeune fille de la montagne, naïve comme la brebis à la fontaine. Sa vie s’était écoulée sous les yeux du ciel, sous la caresse de la mer prochaine. Elle s’en allait à travers les prairies, à la recherche d’un peu d’eau pour ses ablutions. L’heure était chaude et la jeune fille fatiguée. Désespérée de rien trouver, elle s’assied par terre et pose son bâton. D’un bond, elle sursaute : son bâton s’enfonce dans de la boue. Elle regarde : elle voit un filet d’eau.
Guido MEDINA
Hammamet Verger des Cantiques. Tunis, 1943
La péninsule du Cap Bon
Quels secrets caches-tu dans ton sein que je ne réussis par encore à dévoiler ?
Est-il donc vrai que l’âme d’une ville est aussi mystérieuse que l’âme d’une femme ?
D’où te vient, ô Hammamet, cette douceur dans la chair de ton sol, cette vertu qui est émanation de ton ciel et de ton soleil, qui est dans l’air, sur le visage des humains, dans le cœur de chaque arbre et de chaque fleur ?
Est-ce purement matière ?
Est-ce purement esprit ?
Ou les deux à la fois, ce qui te donne cette couleur d’amour et de sérénité ?
Ce que je sais, c’est que tu est couchée dans une cuve aux bords repliés : d’un côté les montagnes et les collines, de l’autre le golfe et la mer. Le soleil en y plongeant ses rayons, les laisse glisser d’un bord à l’autre avec la même violence, avec la même douceur.
Hammamet est à la limite extrême du Cap Bon. De toute cette région lui parviennent la gloire du passé, la frénésie des sacrifices et des martyres, la beauté de la résurrection après l’avalanche des envahisseurs.
La péninsule du Cap Bon pointe vers l’Europe : vers la Sicile, la terre des sonnets et des chansons d’amour ; vers la Provence, la terre des troubadours où Pierre Vidal chantait : « Tout ce que j’ai de beau me vient de la beauté de ma belle », où Bernart de Ventadour priait : « Que Dieu ne me haïsse à tel point de m’enlever pour un mois de désir d’aimer ».
Outre ce flot de poésie, vinrent à elles les trirèmes de Rome et de Byzance, les galères de Gênes et de Venise, les conducteurs de peuples et d’armées, la phalange des saints et des martyrs. Les Chananéens, Ulysse y débarquèrent, et les Croisés la longèrent, allant vers Chypre et la Palestine. Les poètes de Carthage l’ont chantée comme les poètes de Rome. La beauté et l’élégance de l’Hellade parurent dans les modes et le costume de ses habitants.
Guido MEDINA
Hammamet, Verger des Cantiques. Tunis, 1943
Le printemps à Nabeul
Le printemps de Nabeul dure deux, au mieux trois semaines. Mais c’est là que la ville va toucher à la plénitude de son être. Tout a éclos, tout semble s’être épanoui d’un seul mouvement. Les oranges et les mandarines n’ont pas disparu, mais elles doivent maintenant faire de la place aux fraises, aux nèfles, aux abricots, aux premières pêches; les tomates et les piments ont déjà fait une timide apparition, mais, partout, entre les étals, mais aussi, à chaque coin de rue, en pyramides, à même le sol, ce sont de pleines
charretées de roses en bouton, de fleurs d’oranger, de géranium, de bigaradier, qui emplissent la ville de leur parfum têtu. Les femmes ont ressorti leurs vieux alambics. Chaque famille ou presque distille ces fleurs du printemps pour sa consommation de l’année, parfois aussi, quand la saison a été bonne, pour en faire commerce. Toutes ces fragrances qui se conservent sans alcool sont inséparables de ce qu’il faut bien appeler l’art de vivre de Nabeul.
Mélangées au safran, elles donnent aux plats de la ville cette saveur capiteuse qui est inimitable. Mêlées au corps de la femme, au sortir du hammam, elles donnent a la peau encore brulante son inégalable onctuosité. Le printemps ramène aussi la foire annuelle qui occupe pour deux semaines le Souk aux Piments. La foire vient au bon moment, elle coïncide avec cette période d’intense invasion florale dont l’haleine vient pour un bref intervalle a bout des effluves pimentés. Et c’est le moment ou Nabeul étale sans pudeur son savoir-faire.
Car cette ville de paysans est aussi, pour cette raison même, ville d’artisans: il faut bien occuper l’intersaison, quand la terre, l’arbre et la plante hibernent, préparent en silence les récoltes futures. L’enfant vient du quartier des nattiers, le rabat, premier embryon de la ville, dit-on, mais il lui suffit de franchir cette étroite venelle, la rue de la Fontaine tournante, pour que commencent les stridences du quartier des Forgerons lové autour de la grande mosquée, bientôt relayées par les senteurs après du Souk aux Mules, ainsi nommé car des siècles durant personne n’a porté chaussure a Nabeul.
Béchir GARBOUJ
In Nabeul-lieux et Nabeul-lien.
Ed. ASV de Nabeul, Alif, 2006 Hammamet
Carte blanche à Leïla Menchari
L’eté, les Tunisois désertaient leur ville, où la chaleur devenait insupportable, pour se retrouver le long des plages du Nord, proches de la capitale. Un Chapelet de plages plein de vitalité.
La Goulette, Khereddine, Le Kram… Salammbô… Amilcar… Sidi Bou Saïd… La Marsa.
Mes parents, eux, affectionnaient particulièrement Hammamet, qui se trouvait au sud, à une soixantaine de kilomètres de Tunis. Loin de l’excitation et de la multitude, cette région du Cap Bon orientée plein sud offrait une des plus belles vues sur le Golfe.
La mar. était d’une pureté de cristal, le sable de ses plages comme passé au tamis, doré… vierge de toute trace qui ne fût celle de la nature.
Les Habitants de la région ressemblaient à leur paysage. Le regard lumineux, souvent la prunelle claire, ils étaient laborieux sans précipitation, souriants et réservés à la fois. Ils semblaient vous connaître et répondaient à vos questions avec familiarité. Toute l’année je traversais la discipline scolaire, tendue vers cette promesse de liberté.
Le village de Hammamet est une citadelle entourée de remparts, qui, eux-mêmes, sont les pieds dans l’eau. Ce qui donnait à cette cité un aspect insulaire. De l’extérieur, on ne pouvait se douter de la vitalité qui animait chacune des habitations. La communauté vivait en parfaite harmonie. Très soignées, les
familles blanchissaient leurs façades et le sol des ruelles chaque année. La lumière se multipliait au point qu’à midi nous marchions les yeux mi-clos. J’avais 10 ans, dotée d’un physique imprécis, j’tais aguerrie aux jeux masculins. Les gamins du village, la plupart fils de pêcheurs, m’accueillaient dans leurs bandes avec indulgence.
Nous déferlions dans les impasses étroites et sinueuses en poussant des cris. C’était à qui atteindrait la cible que nous nous étions désignée.
Du Golfe, j’en connaissais tous les aspects, les rivages, les vergers qui bordaient la côte, les chemins de terre bordés de hautes haies de cactus, les barques de pêche à l’ombre desquelles les pêcheurs rapiéçaient leurs filets, le café contre les remparts d’où sortaient des vois masculines, sourdes, mêlées d’étranges intonations lorsque le soir tombait.
Un jour, ma mère, m’ayant chargée d’un message pour l’une de ses relations dans le Golfe, j’entrai dans ce qui allait devenir la ligne de ma destinée. J’avais comme mission de remettre un pli dans lequel ma mère s’excusait de na pouvoir se rendre à une invitation. En ce temps-là, les messages étaient livrés par porteur ou par quelqu’un de bonne volonté qui se rendait à pied ou à bicyclette.
Dans le Golfe, je connaissais les méandres de chaque plage, les baies, les anses calmes et translucides. Parfois des racines de palmiers charriées par les eaux de l’oued venaient s’échouer sur la grève. Je me souviens d’un tronc d’eucalyptus à demi immergé. Les branches étaient garnies d’une multitude de
rubans d’algues qui flottaient dans l’air comme autant de petites bannières. C’était un point de repère pour évaluer les distances sur la plage, une aire d’ombre lorsque le soleil était au sommet de sa course et que la mer écrasée de soleil retenait son souffle… A cette hauteur-là devait se trouver, en principe,
le lieu de destination du message. Je traversai la plage de sable et pénétrai dans ce qui me paraissait être un jardin sans frontière ni délimitation, ouvert sur le large. Après avoir gravi quelques marches de pierre à moitié ensablées, après l’éblouissement de la plage, je me trouvai tout à coup happée par une masse d’ombre verte, épaisse, dense, profonde, coupée du bruit des vagues. J’étais frappée par ce silence. On distinguait le moindre frisson de feuille. De temps en temps le coassement d’une grenouille traversait l’espace avec un prolongement aquatique. Plusieurs niveaux caractérisaient ce lieu… Ily avait des plantes que je n’avais jamais vues en Tunisie, des bananiers géants, des baobabs à racines impressionnantes, des yuccas variés, des jacarandas, des bambous énormes qui filaient en flèches vers le ciel, d’immenses arches de verdure reliées par des masses d’asparagus qui retombaient en cascades
vers le sol. Le parfum du jasmin était présent partout, les rosiers grimpants épousaient des palmiers… La force de cette nature donnait une grande impression de liberté. Chacune de ces plantes se dirigeait au gré de sa propre nature, recherchant la lumière. L’air embaumait des parfums les plus divers. Une
Multitude d’oiseaux avaient élu domicile dans les branches. Plus loin des paons pavanaient à travers les allées. Je me réfugiais souvent dans un monde imaginaire. Ici, je me sentais hors d’atteinte. La force de cette nature donnait à ces plantes un lyrisme où la beauté, l’harmonie, la volupté des formes défiaient les lois de l’organisation rationnelle.
Ce jour-là a commencé l’histoire la plus extraordinaire de ma vie…Je sus plus tard que mon message n’était pas adressé à ce lieu.
Leïla Menchari
In Ulysse/ Télérama Spécial Carthage
Mars 1995
Les débuts du tourisme à Hammamet
Au début de la colonisation, les militaires installés dans le pays ne pouvaient demeurer insensibles au charme de la cité de Hammamet. C’est ce qui ressort d’une correspondance du « cAmel » du Cap bon au Grand Vizir. Dans sa lettre, le « c Amel» du Cap bon au Grand Vizir. Dans sa lettre, le « c Amel »
informe le Grand Vizir qu’un contingent de 600 militaires armés était venu visiter le lieu. « Ils se sont répartis dans le souk et les ruelles dans le but de se réjouir du spectacle.
Guido MEDINA, dans son ouvrage « Hammamet verger des Cantiques », l’a décrite en des termes poétiques. Il écrit en substance« La Médina de Hammamet n’est semblable à aucune autre.
On dirait qu’elle subit la douce influence des campagnes et des vergers, ainsi que la douceur du Golfe et l’extase de la lumière… » Hammamet ne doit pas seulement sa renommée à son histoire lointaine, à ses vestiges historiques, à la configuration de sa Médina qui a défié les assauts du temps, mais aussi à une structure d’ensemble qu’un auteur a décrite en une phrase lapidaire mais évocatrice. C’est dit-il, « un nid coquet de verdure, baigné par les vagues, inondé de lumière ».
Ce sont ces richesses historiques et naturelles qui ont enchanté des écrivains comme BERNANOS, MAUPASSANT, GIDE, FLAUBERT, VALERY, Guido MÉDINA, Mufdi ZAKARIA et bien d’autres. Le fragment suivant du poème écrit en 1968 par Mufdi ZAKARIA est plus que révélateur des secrets
Enchanteurs de cette ville.
Paradis souriant dans la Tunisie verdoyante ;
Les vagues se penchent à ses pieds enivrées ;
Est-ce des bains ou des pigeons qu’elle tient son nom ?
Le fort seul le dévoile le secret.
La mer est pondérée, comme le caractère de son peuple.
Elle coule généreuse comme lui, et bonne.
Ce paradis, ce ne sont que les vergers que décrit Guido MEDINA en ces termes : « ô vergers de Hammamet ! ô vergers de beauté où les chants s’éveillent dans l’âme du laboureur à la vue du sable remué, et du soleil qui le chauffe et le caresse ». Nous comprenons donc pourquoi ces beautés ont contribué à faire de la ville de Hammamet le site touristique par excellence.
L’indicateur Tunisien de 1912 cite en substance dans la rubrique «Hammamet » point remarquable et localité importante : «Hammamet est une belle cité, à 65 km de la capitale. Tous ceux qui ont dépeint Hammamet l’on fait sous des couleurs enchanteresses…
Quelques années plus tard, commencera ce que BOUKRAA appelle le « tourisme romantique de la résidence de HENSON et SEBASTIAN » nous pourrons dire avec cet auteur qu’une nouvelle forme de tourisme était en train de naître et de se substituer quelque peu au « tourisme du voyageur passager »
d’un GIDE, d’un DUMAS et d’autres et annonçant le tourisme de masse que connaîtra la ville à partir des années 1960.
Hammamet a séduit d’autres personnages, comme le peintre Paul KLEE qui découvre la lumière fascinante de Hammamet.
Il dit dans ses mémoires : « La couleur me possède. Pont n’est besoin de la saisir. Somme un. Je suis peintre ». Nombre de célébrités de passage, politiciens et artistes, ont été accueillies dans les résidences de HENSON et de SEBASTIAN.
D’autres ont choisi le Golfe pour y résider comme les RICHARDSON, les BRUT et autres. Ce sont d’ailleurs ces résidences qui serviront de noyaux pour la création de grands hôtels de l’ère du tourisme de masse.
Le Miramar, premier hôtel crée en 1958, aura pour noyau la résidence de RICHARDSON, tandis que le FOURATI sera édifié à partir de la résidence du Colonel BRUT.
Les membres du Conseil Municipal étaient d’ailleurs conscients de cette vocation touristique, aussi ont-ils recommandé la création de structures touristiques susceptibles de venir à la rescousse d’une économie traditionnelle asphyxiée. C’est ce qui se dégage de cette recommandation du Conseil Municipal de
Hammamet à la séance du 1 er septembre 1954.
« Hammamet connaît des difficultés dues à la diminution des produits de la pêche côtière, au marasme de l’artisanat traditionnel, aux fluctuations du marché des agrumes, le Conseil estime qu’il y a une intérêt primordial à développer le tourisme àHammamet par des réalisations.
Ammar ABDERRAZAK
In Médina de Tunisie
Ed. C.E.R.E.S,1996
Cap Bon
Comme un index pointé vers le nord-est en direction de la Sicile, la presqu’île du Cap Bon proche de Tunis, s’enfonce profondément dans la Méditerranée. Il suffit d’un saut de puce d’une centaine de kilomètres pour traverser le canal de Sicile, minuscule détroit faisant communiquer la Méditerranée orientale avec la Méditerranée occidentale.
Ceci en dit long sur l’importance stratégique du Cap Bon et sur le rôle qu’il joua dans l’histoire, depuis le Carthaginois jusqu’aux armées de Rommel lors de la Seconde Guerre mondiale. Traversée par le djebel Sidi Abderrahmane, qui en constitue l’épine dorsale. La péninsule plonge ses fatalises escarpées dans
Le golfe de Tunis. Un paysage d’une beauté sauvage s’offre au visiteur qui emprunte la route de la corniche : de superbes vue des côtes de Carthage et des îles de Zembra et Zembretta au large l’enchanteront.
Sur le versant ouest du Cap Bon, on verra peur de plages, à l’exception de Hammam-Lif. Bordj Cédria, Soliman et Sidi Raïs. Le Farniente et les loisirs balnéaires sont, en effet, surtout pratiqués sur la façade sud du cap Bon, qui s’ouvre sur le golfe d’Hammamet (plages de Menzel Témime, Nabeul,Hammamet).
Jean Claude Klotchkoff
La Tunisie Aujourd’hui, Jagauar, Paris, 1999