La fauconnerie est un art de la chasse noble chez les arabes. En Tunisie le pays de la chasse aux faucons est au Nord du Cap Bon. Si dans les pays du Golfe Arabique la fauconnerie, al-bayzara, est un sport aristocrate, elle est au Cap Bon un sport populaire pratiqué par des amateurs qui se le transmettent avec passion et amour de génération à génération. Au Cap Bon point d’équipages, ni de maîtres-chasseurs, point d’esclaves : un fauconnier, un faucon et parfois un chien et c’est tout. De mars à la fin juin c’est la fièvre de la chasse. D’abord celle des rapaces et puis celle des gibiers quand les premiers sont suffisamment dressés pour attaquer les derniers ayant abondamment envahi les forêts alentours. Les fauconniers ont le flair. Ils sont des chasseurs doubles. Bien entraînés depuis l’enfance pour la chasse du rapace et celle de sa proie, ils étaient déjà piqués par la passion de la chasse et du respect des oiseaux. La plus importante association des amoureux des oiseaux se trouve à El Houaria.
Au mois de mars, sous les montagnes entrecoupées de criques, garrigues, vallons et calanques truffés de grottes où viennent nicher les faucons attendant l’éclosion de leurs œufs dont l’incubation dure un mois et l’apprentissages des oiselets au vol pour partir début juillet vers l’Europe par la Sicile qui n’est qu’à un vol d’oiseau, c’est le cas de le dire. Les rapaces arrivent du Sud Tunisiens où ils ont passé l’hiver.
Les rapaces migrateurs qui s’arrêtent au point le plus septentrional du Cap Bon, à la montagne Sidi Abiodh, sont les éperviers et les faucons. Ces derniers sont spécialisés dans la chasse en piqué, les éperviers chassent à bas vol. Les deux possèdent d’extraordinaires aptitudes à la chasse grâce à une vue perçante leur permettant de « lire un journal » à 200 mètres, affirme métaphoriquement un fauconnier, et grâce aussi à leur piqué foudroyante. Le faucon est capable d’atteindre une pointe de vitesse de 300 Km/heure ce qui fait de lui l’oiseau le plus rapide de toute la gente ailée affirment les spécialistes. Il faut d’abord chasser le faucon. Au début du printemps, vers la fin du mois de mars et le début du mois d’avril quand le Cap Bon devient le lieu de passage des rapaces nocturnes et diurnes. Dans les ravins profonds aux alentours de El Haouaria, boisées de chênes-verts, d’oliviers sauvages et des pins d’Alep, les rapaces se reposent, pondent et couvent. Il suffit de tendre des filets verticaux par centaines, à l’orée des petits bois. Ces filets à larges mailles, d’une couleur noire, se confondant avec l’ombre projetée par les arbres et les oiseaux viennent s’y reposer et s’y jettent sans les voir. Les oiseaux sont capturés. D’autres chasseurs pratiquent, un autre type de chasse. Ils tendent des filets de 5 à 6 mètres sur des aires de piégeage à plat. Avec un système ingénieux d’anneaux et de cordelettes, ils capturent les faucons venus dévorer les oiseaux appâts noués aux filets.
Tous les soirs, les chasseurs des faucons, réunis mettent aux enchères leurs capture de la journée après les avoirs déclarés et enregistrés, car les faucons doivent être relâchés à la fin de la saison..
Le faucon acheté il faut le conserver vivant pour la chasse et le dresser. Le dressage dure une vingtaine de jours et d’abord l’apprivoiser, le secret est de le porter toute la journée sur son épaule. Quel beau spectacle au printemps dans la région en de voir les fauconniers vaquer à leurs activités, le rapace juché sur l’épaule ou la tête. Le faucon dressé, la saison de la caille arrive et s’ouvre la saison de la chasse au mois de juin. Ce sont des cailles et les petits moineaux dont le faucon a connu la nature et le goût de la chair lors du dressage qui forment la proie délectée par les rapaces.
Le Festival International de la Fauconneries de Haouaria clôt la saison où se dirigent les fauconniers de la région qui se livrent à des concours hauts en couleurs et participent à un étonnant tournois où les chasseurs/fauconniers redoublent de talent et d’astuces pour épater les spectateurs venus de loin pour découvrir ce sport ancestral encore jalousement perpétué à la pointe du Cap Bon.
Après le grand passage des cailles qui se termine vers la fin juin les chasseurs libèrent leurs faucons, avec parfois un pincement au cœur et une larme à l’oeil, convaincu qu’il faut libérer les volatiles pour conserver l’espèce. Quelques uns jouissent d’une autorisation pour garder leur faucon en vue de l’entraînement des jeunes chasseurs en herbe et faire perdurer ce sport noble qui ne se pratique en Tunisie qu’au Cap Bon.
La chasse aux faucons
Le fauconnier, tenant son faucon dans la main droite, les ailes repliées, va et vient dans les champs de céréales et les broussailles, battant le sol d’un long bâton. La caille ne se lève qu’au pied du chasseur. A ce moment, elle part en flèche, droit devant elle. Le faucon est alors projeté dans la direction de la caille qui fuit. L’oiseau de proie aperçoit le gibier, déploie ses ailes et, en quelques secondes, projetant ses serres en avant, immobilise le volatile terrifié, et le tue d’un coup de bec en pleine poitrine. Aussitôt, alourdi par sa charge, le rapace se pose, en planant, quelques mètres plus loin. Le fauconnier s’approche, prend la caille, fait sauter le faucon sur son avant-bras et continue sa chasse. A la quatrième ou cinquième prise, on stimule l’ardeur de l’oiseau en lui faisant avaler un tout petit fragment des muscles pectoraux d’une caille. Avec le même oiseau de proie, un bon chasseur peut prendre jusqu’a 80 cailles dans la journée…